Le caractère dématérialisé d’Internet nous fait oublier son impact réel sur la planète. Pourtant, son fonctionnement et son utilisation ont une empreinte conséquente sur l’environnement.
Internet repose sur des infrastructures massives
Nous avons le sentiment qu’Internet est un outil dématérialisé sans impact sur l’environnement. Or, pour construire les réseaux qui le constituent, des infrastructures réelles sont déployées. Qui dit infrastructures, dit alors extraction massive de ressources naturelles non-renouvelables, mais aussi aménagement arbitraire des territoires.
Des câbles sous l’océan pour faire transiter les données d’Internet
Internet repose sur un maillage de tuyaux et câbles qui font circuler les données sous terre et sous mer. L’étendue de ce réseau souterrain se chiffre en millions de kilomètres. Ainsi, les communications intercontinentales transitent à 99% par des câbles sous-marins, le 1% restant correspond à une retransmission par satellite. Les données parcourent sans cesse ces câbles, sur de très longues distances. A titre d’exemple, un courriel parcourt en moyenne 15 000 km depuis son lieu d’envoi pour atteindre le data center hébergeant notre messagerie. Les pigeons voyageurs n’en faisaient pas autant !
Des bâtiments entiers pour conserver les données d’Internet
Internet stocke physiquement les données que nous consultons sur des appareils serveurs. Concrètement, ce sont des micro-ordinateurs et disques durs empilés dans des baies, c’est-à-dire des armoires à tiroirs. Plusieurs disques durs stockent les mêmes informations afin de garantir leur sauvegarde en cas de panne de l’un des dispositifs. Là encore, de tels équipements renvoient à une extraction des ressources et à la construction de locaux appelés centres de traitement de données (ou data centers en anglais). À titre d’exemple, le plus gros centre de données du monde se situe en Chine et a une superficie de 1 million de mètres carrés. Soit l’équivalent de 140 terrains de football !
Un trésor de métaux rares dans nos ordinateurs pour pouvoir utiliser Internet
Les appareils connectés (ordinateurs, smartphones, tablettes…) qui permettent de naviguer sur Internet jouent un rôle dans l’épuisement de ressources précieuses et de l’altération des paysages. Les batteries et les circuits microélectroniques du matériel informatique sont en effet composés d’une dizaine de métaux (or, argent, cobalt, étain, tungstène…) et d’une vingtaine de terres rares. Ces composants sont extraits de mines situées en Chine, au Congo et au Chili notamment. Il est courant que les enfants y soient exploités. De plus, le raffinage de ces matières émet des rejets délétères et radioactifs qui intoxiquent les populations locales. Alors, ça tente qui, un smartphone couleur sang ?
Internet est un insatiable énergivore
Le coût énergétique d’Internet est énorme. Si Internet était un pays, il serait le troisième plus gros consommateur d’électricité au monde, juste derrière la Chine et les États-Unis.
La fibre optique consomme de l’électricité à chaque utilisation d’Internet
Quel est le point commun entre un mail et une tasse de café ? Chaque courriel envoyé consomme environ 62 watts d’électricité selon l’entreprise Céleste : c’est ce qu’un distributeur consomme pour produire une tasse de café. En fait, les câbles de la fibre optique, qui font transiter les données d’Internet, consomment de l’énergie. Cette consommation est encore plus haute pour le streaming vidéo, qui représente 58% du trafic total sur le web selon une étude menée par l’entreprise d’équipement de réseau Sandvine. Et on constate que chaque année, le trafic sur les réseaux de télécommunications double. Ce phénomène entraîne donc une hausse constante de la consommation en électricité d’Internet.
Les data centers d’Internet consomment de l’énergie en masse
Le coût énergétique d’Internet est lié pour beaucoup aux data centers. Ce sont des centres de données qui contiennent les appareils serveurs nécessaires au fonctionnement du web. Au total, ce sont 45 milliards d’appareils serveurs qui sont utilisés au niveau mondial, représentant 12% de la consommation mondiale d’électricité. D’une part, ce besoin gigantesque d’électricité est due à leur fonctionnement permanent. De cette manière, les utilisateurs et utilisatrices peuvent se connecter à Internet à toute heure. D’autre part, la demande énergétique des appareils serveurs se justifie par leur maintenance : il faut les refroidir en continu car, en fonctionnant, ils peuvent finir par surchauffer et tomber en panne.
La recharge des appareils connectés à Internet consomme de l’énergie quotidiennement
En 2017, 9 milliards d’appareils (2 milliards de smartphones, 1 milliard d’ordinateurs et 6 milliards d’accessoires tech) étaient connectés à Internet dans le monde. Or, ces équipements doivent être rechargés pratiquement chaque jour, majoritairement avec des énergies non-renouvelables. Avec le développement exponentiel des nouvelles technologies, ces chiffres ne feront qu’augmenter dans les années à venir. L’Ademe prévoit qu’en 2020, il y aura 50 milliards d’objets connectés.
De plus, ces équipements numériques sont connectés à des bornes wifi qui, elles aussi, consomment de l’électricité pour fonctionner. En France, en moyenne 6,5 milliards de watt-heures par an sont requis pour le fonctionnement des 29 millions de bornes wifi allumées en permanence. Cela équivaut à l’électricité que produit un réacteur nucléaire pendant un an.
Internet a un fort impact CO2
Internet est responsable de 4% des émissions de gaz à effet de serre sur Terre.
Regarder Netflix pollue
En joggos, au fin fond de ton canap’ en train de mater des épisodes de Black Mirror, tu es loin d’imaginer que tu pollues… et pourtant ! Le streaming vidéo est responsable d’un cinquième de ces émissions de CO2. Les services de films et séries à la demande Netflix et Amazon Prime rejettent ainsi autant de gaz à effet de serre que le Chili. Le streaming de vidéos pornographiques en génère presqu’autant. Cette pollution est due au fait que les vidéos sont extrêmements lourdes en données numériques. Selon un rapport de The Shift Project, dix heures de vidéo HD équivaut aux données de la totalité des articles Wikipédia en anglais au format texte. Sans compter que, pour avoir une meilleure définition lors du visionnage, la 5G est en train d’être mise en place. Or, elle est 100 fois plus polluante que la 4G.
L’envoi de mails à foison émet du CO2
L’échange incessant de courriels est une autre cause de la pollution d’Internet. En une heure, pas moins de 10 milliards de mails sont échangés dans le monde, hors spams. Ainsi, par personne et par an, c’est environ 136 kg de CO2 qui sont produits par nos échanges de mails : c’est autant qu’un trajet de 320 km en voiture ! Et ces mails ne se contentent pas d’être échangés : ils finissent, bien souvent, oubliés dans nos boites de réceptions, c’est-à-dire stockés dans les banques de données des data centers. Ils continuent donc à consommer de l’énergie et à générer des émissions de gaz carbonique.
Faire des recherches sur Internet pollue
En une heure, 180 millions de recherches sont lancées sur Google. Chacune de ces recherches génère environ 7 grammes de CO2 selon un calcul réalisé par M. Wissner-Gross, chercheur à Harvard. Ces rejets de gaz carbonique sont directements liés au fonctionnement des 500 000 data centers du géant américain, qui demandent autant d’énergie que celle consommée au Laos. Donc la prochaine fois que tu te poses une question existentielle, du style “pourquoi les tartines tombent toujours côté beurre contre le sol ?”, détends-toi et laisse faire la magie de la vie.
La pollution engendrée par Internet est gigantesque certes, mais n’est pas une fatalité. Il existe en effet quelques actions pour réduire son impact environnemental en surfant sur le web. Retrouvez-les dans cet article.
Rédactrice : Mélanie Fourcy
Relectrice : Pauline Imbault
Sources
Céleste, 62 watts pour une fibre optique : pour une consommation numérique responsable
Consoglobe, Internet : monde virtuel, pollution réelle, M. Bouterre, 2015
Consoglobe, Une recherche Google, c’est combien de CO2 ?, 2016
France Culture, Dans la tuyauterie d’Internet, A. Kieffer et M. Tellier, 2019
France Inter, Vive les SUV et mort aux jeunes !, T. Pastureau, 2019
Greenpeace, Impact environnemental du numérique : il est temps de renouveler Internet, 2017
How Bad are Bananas: The Carbon Footprint of Everything, M. Verners-Lee, Greystone Books, 2010
Le Monde, Combien de CO2 pèsent un mail, une requête Web et une clé USB ?, A. Garric, 2011
Les Écolos Humanistes, La pollution d’Internet, 2016
La Tribune, Comment le numérique pollue dans l’indifférence générale, S. Rolland, 2018
Les Echos, Le coût écologique faramineux du streaming vidéo, Y. Youssef, 2019
Ademe, La Face Cachée du Numérique, 2017