Exports de déchets et retours à l’envoyeur : analyse d’une crise mondiale des déchets (3/3)

Suite à la fermeture des frontières chinoises annoncée en 2017, et de l'effet domino qui s'en est suivi en Asie, un véritable séisme agite le monde du traitement des déchets. Voici un dossier en trois parties pour faire le point. Partie 3/3 : quelles conséquences en France de cette crise mondiale ?

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En France, quelles conséquences dans le monde du traitement et du recyclage des déchets ?

En France, la chasse aux déchets exportés illégalement pourrait bien entraîner des sanctions administratives par les services de l’Etat. Le Parisien révélait en novembre 2019 l’amende de 192 000 € infligée à une société de courtage, en raison de vingt conteneurs de plastique illégaux retournés par la Malaisie.

Surtout, la fermeture des frontières étrangères vient tendre une situation déjà difficile s’agissant du traitement des déchets. L’amoncellement de certains flux de déchets démontre qu’une partie est difficilement recyclable, et qu’en tout état de cause il existe une crise des débouchés, faute d’industrie manufacturière suffisamment preneuse de matière secondaire pour la réincorporer dans une production.

Alors que l’État français et l’Union européenne affichent des objectifs ambitieux de réduction de mise en décharge d’ici à 2025/2030, les industriels du recyclage en particulier se plaignent ouvertement du manque d’exutoires pour éliminer les déchets non recyclables, ou des déchets recyclables n’ayant pas trouvé preneur. Les usines d’incinération fonctionnent quant à elles déjà à plein régime (14.5/15 millions de tonnes par an) pour traiter en majorité les ordures résiduelles des ménages. Résultat, les entreprises du recyclage (FEDEREC) demandent notamment le développement de nouvelles capacités de traitement par combustion (avec la filière naissante, cristallisant de nombreuses espérances, des « combustibles solides de récupération »). Est aussi poussée la possibilité de déroger à la limitation des capacités de mise en décharge actées par les plans régionaux (message entendu par le Sénat dans le cadre de la loi économie circulaire en débat – voir article 12L). Paradoxalement, le secteur du recyclage réclame donc un accès facilité à des exutoires relevant de l’économie… linéaire.

De son côté, l’industrie du traitement des déchets (décharges, usines d’incinération) n’est pas la plus gênée par cette crise des exports, dans la mesure où tout déchet traité en France génère un surcroît d’activité. Baisse des capacités de mise en décharge et hausse de la demande se conjuguant, elles impliquent ainsi un encombrement des installations, ainsi qu’une hausse du prix du traitement.

Si les exports vers l’Asie sont voués à se réduire, attendu que les pays restreignent les uns après les autres les imports, certaines sources nous confient leur crainte que les exports se tournent désormais massivement vers l’Europe de l’Est, à la faveur de la réglementation européenne qui doit encore pour sa part évoluer. Déplacer le problème d’un continent à l’autre n’aurait cependant rien d’une solution durable.

Sans doute, certains États vont-ils faire évoluer leur réglementation. Pour sa part, la France entend elle-même renforcer son arsenal réglementaire et améliorer la traçabilité des exports, puisque dans le cadre de la loi économie circulaire en cours de discussion, figure une disposition précisant, pour les filières de responsabilité élargie des producteurs (REP), que « les éco-organismes sont tenus d’assurer une traçabilité des déchets dont ils ont assuré, soutenu ou fait assurer la collecte dans l’exercice de la responsabilité élargie des producteurs, jusqu’au traitement final de ces déchets. Lorsque ces déchets quittent le territoire national pendant tout ou partie des étapes jusqu’au traitement final, les éco-organismes sont tenus de déclarer auprès du ministre chargé de l’environnement la nature, la quantité et la destination des déchets exportés« . La limite de cette mesure, qui permet tout de même de renforcer le rapport de force avec les éco-organismes, est qu’elle ne s’applique pas aux déchets non soumis à REP (voir article 2/3).

Cette crise remet en lumière une évidence qui mérite d’être rappelée : nous (et en particulier les pays riches et industrialisés) produisons trop de déchets, que ceux-ci soient recyclables ou non. En outre, si cette crise des exports met en difficulté une partie de l’industrie du traitement des déchets et en particulier les industriels du recyclage, elle laisse pour l’instant hors de cause les responsables premiers de cette surproduction de déchets, et ceux qui en bénéficient le plus : les metteurs en marché des produits manufacturés. Ceux-ci ont en effet été peu inquiétés jusqu’à présent alors même que, par exemple, 45% du plastique produit en France l’est à des fins d’emballage. A l’heure actuelle, l’esquisse de réponse à cette crise consiste à laisser l’industrie des déchets régler le problème toute seule, notamment en développant une nouvelle filière de combustion (CSR) qui génère beaucoup d’espérances, ou en trouvant de nouvelles routes d’export. Il faudrait au contraire que survienne une prise de conscience du problème global, pour enfin se tourner enfin vers des politiques drastiques et rigoureuses de prévention des déchets et de décroissance, incluant aussi les industries manufacturières. Pour cela, il serait souhaitable que l’industrie du traitement des déchets notamment pèse de tout son poids face aux metteurs en marché, pour demander plus de prévention des déchets et d’éco-conception des produits, mais sans doute s’agit-il d’un vœu pieux.

En tout état de cause, géopolitique oblige, les pays (notamment) asiatiques ont bien compris qu’ils appuient sur une plaie douloureuse pour les pays Occidentaux, qui noue un véritable rapport de force. La brèche ouverte, il est peu probable que cette pression se relâche dans un avenir proche.

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